Séminaire jeunes chercheurs: Sidi Aḥ ḥmad Ū Mūsā (1460-1564) dans l’ḥistoire du Maroc : Un saint soufi et son culte dans le Sūs al-Aqsā (XVe – XXIe siècles)
février 5, 2020 @ 17h00 - 19h00
Descriptif: Chaque été, au cœur du Tazerwalt à 44 km à l’Est de la ville de Tiznit, se déroule un grand pèlerinage au tombeau de Sīdi Ah Hmad Ū Mūsā (1460-1564), patron des voyageurs et saint le plus important du Sud marocain. Ce moussem attire des dizaines de milliers de personnes de la région mais aussi de tout le Maroc. Les pèlerins souhaitent profiter de la baraka du saint et de ses descendants. Combiné à des foires et à des marchés régionaux, le moussem est aussi un lieux d’intenses échanges commerciaux. Malgré la disparition des grandes manifestations commerciales séculaires du commerce transsaharien, ces rassemblements semblent encore être des remémorations et des reconductions d’un processus ancien, dicté par des exigences cultuelles et mémorielles. Cette mémoire se tourne vers Sīdi Ah Hmad Ū Mūsā et ses descendants, dont il importe d’écrire l’histoire pour mieux comprendre le culte. L’arrière-petit-fils du saint, le marabout Alī Abū Damī a, récupéra le pouvoir politique dans la région en s’appuyant sur le prestige familial, et devint le chef de la zāwiya en 1613. Il fit fortifier la ville voisine d’Ilīġ en 1625, y gouverna jusqu’à sa mort en 1659. Le descendant du saint sut monopoliser le commerce du Sahara occidental, avec l’aide de commerçants juifs qui furent attirés dans la ville et y établirent un mellāh. Le Maroc était alors en proie aux luttes intestines et aux incursions portugaises, puis espagnoles, et la dynastie mourante des Saadiens laissa sa place à celle issue des chérifs alaouites du Tafilalt. Mawlāy al-Rašīd (v. 1631-1672) – puissant souverain de la dynastie – détruisit la forteresse d’Ilīġ en 1670. Le Tazerwalt redevint pourtant à la fin du XVIIIe siècle le centre majeur du négoce dans le Sud marocain, joignant le commerce transsaharien au commerce européen du port d’Essaouira. Tout en reconnaissant l’autorité des souverains alaouites, la région constitua avec la Maison d’Ilīġ une principauté maraboutique autonome jusqu’à la fin du XIX siècle. L’intérêt de ce travail de recherche réside dans l’importance et l’influence des acteurs étudiés à l’échelle du Souss mais aussi de toute la région, allant du Sahara au nord du sultanat du Maroc. La pensée de Sīdi Ah Hmad Ū Mūsā et les stratégies politiques de ses héritiers ont directement influencé les évolutions historiques de cette partie du Maghreb.
Discutant: Adrien Delmas; historien, directeur du CJB