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Journée d’études: « Quête des ansâb, quête des ashrâf »

De l’importance des généalogies de descendants du Prophète

à l’époque moderne et contemporaine

Cette journée d’études se tiendra en hybride:
– En présentiel sur inscription via:
– En visio via le lien Zoom ci-dessous, sans inscription:

Argumentaire :

Les historiens des chorfa : si le célèbre essai d’Évariste Lévi-Provençal, en 1922, sur les grands ouvrages de « littérature historique et biographique » au Maroc souligne, comme Franz Rosenthal dans A History of Muslim Historiography (1952, 2e édition 1968), l’importance séminale des généalogies et de la science généalogique dans la constitution de l’histoire dans les pays d’islam, peu de travaux récents ont été directement consacrés à cette science généalogique et à la place qu’y tiennent les ashrāf (shurafā’ au Maroc), les descendants du Prophète ; encore moins d’ouvrages s’intéressent-ils à cette science généalogique à l’époque contemporaine. Tantôt des ethnologues comme Pierre Bonte sont partis sur La quête des origines, en mettant en relation l’étude des ansāb, et celle des définitions et configurations de la tribu en Afrique sahélienne ; tantôt des livres collectifs ou numéros de revue ont été consacrés à la place des ashrāf dans l’histoire musulmane (Bettini et Scarcia-Amoretti, Morimoto, Bowen Savant and Helena de Felipe) ; à moins que ce ne soit l’angle de l’histoire de la famille ou de la sainteté (Papas et Mayeur-Jaouen) qui dicte l’intérêt pour les généalogies et les descendants du Prophète. Les ashrāf paraissent enfin dans des livres consacrés à leur place dans une société donnée ou à celle des saints en une ville ou région particulière, de l’époque médiévale jusqu’au début du XXe siècle (Vimercati Sanseverino).

En nous appuyant sur ces excellents travaux, nous souhaitons étudier plus précisément la science généalogique, ses modes de validation et de vérification, et ce lien entre ansāb et ashrāf, en recourant aux méthodes de l’anthropologie historique dans la lignée des articles d’Abdelahad Sebti et Zakaria Rhani, associées à l’étude de la science des généalogistes arabes à l’époque moderne et contemporaine, à l’instar de Jaafar Ben el-Haj Soulami, éditeur d’une importante source marocaine de la première moitié du XIXe siècle, al-Ishrāf ‘alā ba‘d man bi-Fās min mashāhīr al-ashrāf, de Abū ‘Abdallah Muḥammad al-Ṭālib Ibn al-Ḥājj al-Sulamī qui servit de source à des ouvrages ultérieurs comme al-Durar al-bahiyya d’al-Fadīlī, Salwat al-anfās d’al-Kittānī, Ittiḥāf al-muṭāli‘ de ‘Abd al-Salām Ibn Sūda. Le monde des ansāb est un univers : malgré les travaux cités, l’historiographie et les aspects techniques de ce pan important de l’activité scientifique et éditoriale dans le monde musulman restent généralement méconnus. Cet univers reste en grande partie à découvrir, dans les archives royales marocaines, dans les archives privées et dans la littérature généalogique qui continue à être produite et publiée, de façon active, souvent par tribu, par famille, par région, par ville, par sous-groupe d’ashrāf, au Maroc, comme au Koweït, en Arabie saoudite, en Jordanie, à un moindre degré en Égypte.

La Journée d’études du Centre Jacques Berque sera consacrée à la science généalogique dédiée aux ashrāf à l’époque moderne et contemporaine, principalement au Maroc, mais aussi, à titre comparatif, dans d’autres régions du monde musulman. La période traitée, déjà très vaste, sera l’époque moderne et contemporaine : si les sources de cette époque reproduisent en partie certaines sources médiévales, en effet, elles créent aussi de nouvelles sources de référence et de légitimité généalogique qui effacent en partie les anciennes, singulièrement au Maroc avec les grandes enquêtes royales. Des enjeux concrets de pouvoir, d’accès aux privilèges, d’exemption de l’impôt et de droit à la sadaqa (mais non à la zakāt) s’inscrivent parfois dans ces enquêtes et dans les sources produites par les intéressés pour valider leur généalogie. Il est aussi notable que, dans des pays comme l’Égypte où l’on n’en retire plus depuis longtemps nul privilège, ni même avantage de statut, la volonté de connaître sa propre histoire et ses « racines » participe à la quête des ansāb.

Nous chercherons à mieux comprendre comment fonctionne cette science généalogique, son rapport aux modes d’écriture de l’histoire en général, ce qu’elle peut apporter à l’histoire des ashrāf, à l’histoire de la famille et des tribus, à l’histoire territorialisée, et, finalement, pour le Maroc, à l’histoire des relations entre la monarchie chérifienne et les Marocains.

 

Journée d’étude du Centre Jacques Berque organisée par Catherine Mayeur-Jaouen (Sorbonne Université)

 

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