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La mémoire est histoire, croyance, rite, symbole, savoir, pouvoir et illusion. Observable à travers une multitude d’expressions artistiques, littéraires, sociales et politiques, elle serait alors un conte populaire qui berce la jeunesse, des chants et des danses qui égayent des soirées de festivités, une vision personnelle s’ébauchant par un jeu de couleurs et de formes, une fable animée par le mouvement mécanique d’une pellicule dans une boite noire, ou encore la parole d’un politique devant un auditoire conquis. La mémoire est, en somme, ce patrimoine matériel et immatériel utile à la construction des identités et des imaginaires collectifs.

Saisir ainsi la notion de la mémoire par le biais de l’expression humaine (le cinéma, la photographie et la peinture) est une perspective doublement pertinente. D’abord, elle invoque la question de la constitution de la mémoire sous la forme d’oppositions qui créent la signifiance, et explicite par là même le processus de sa transmission.

Les approches qui suivent représentent des zones de réflexion susceptibles d’apporter des éléments de réponse et d’élargir ainsi le regard sur le rapport entre l’illusion et la réalité ainsi que leur rôle dans la constitution et la transmission de la mémoire comme cadre référentiel.

L’ethnologie et l’anthropologie se sont approprié les notions de la mémoire et de l’illusion à partir du mythe dans son rapport avec les cérémonies propres à chaque peuplade. Ces activités rituelles nous offrent l’image d’une mémoire vivante visible à travers un récit imagé, empreint de symboles, qui raconte une histoire consolidant ainsi les liens identitaires. Ainsi, quelle serait le fonctionnement des pratiques rituelles ? Leur relation avec la mémoire et sa transmission ? De quoi sont formées les images rituelles ? Quel est le rôle que joue le rituel au sein d’un groupement d’individus ?

Par ailleurs, la peinture, la photographie et le cinéma ont, tout au long des siècles précédents, investi le champ de la mémoire en restituant des époques révolues dans le sens où ils redonnent à voir ce qui n’a pas été vu. En titillant ainsi les souvenirs, les souvenirs déformés, les remembrances mêlées aux illusions, cette mise en représentation nous confronte à une mémoire lointaine jouant, voire manipulant, notre perception des événements qui ont, depuis toujours, secoué le monde. Cette mémoire, ainsi confectionnée, sert notamment d’ossature et de trame dans lesquelles viennent se greffer les objets sociaux à venir. C’est ce que nous pouvons identifier comme la mémoire du futur qui rend observable un certain nombre d’objets qui orienterait les événements ultérieurs. Les rôles de la peinture, de la photographie et du cinéma ne devraient pas être destinés au seul public assoiffé de divertissement mais devrait accomplir notamment un rôle didactique rendant visible et saisissable un passé jusqu’alors méconnu et participer ainsi à la constitution du futur. Par quels moyens, la peinture, la photographie et le cinéma restituent-ils la mémoire ? Quelle serait la part de l’illusion ? Quelle serait la part de la réalité ? Quels sont leurs rôles pour réanimer une mémoire refoulée, oubliée? Quels sont les rôles des productions cinématographiques dans la constitution du futur ?

Approcher la mémoire par la voie de la sociologie représente une pertinence significative et ce eu égard à l’intérêt qu’elle porte aux évolutions, aux différentes formes de cohabitation des hommes et à l’influence qu’ils exercent les uns sur les autres. Les mouvements migratoires, qu’a connus l’histoire de l’humanité, illustrent bien cette mémoire mobile, déformée et reconstituée à partir de récits qui tiennent tantôt de la réalité tantôt de la fiction. Cependant, la sociologie en s’associant au cinéma – le film devient un outil et un recueil de données1 – jouent un rôle indispensable dans la conservation et la co-construction de la mémoire. Ainsi, la sociologie filmique devient un instrument de production des connaissances scientifiques. Ce double aspect – technique et méthodologique à la fois – que représente la sociologie filmique est utile notamment aux mouvements sociaux contemporains comme lieux et sujets de production, d’usage et de conflit autour de la mémoire.

Le contexte géopolitique actuel, et précisément celui du bassin méditerranéen comme espace millénaire de circulation et de transformation de la mémoire, nous confronte à plusieurs questions relatives à la mémoire ou à cet exode des illusions : comment la sociologie rend-t-elle compte de cette mémoire mobile qui évolue au gré des trajets et des passeurs ? Quels sont les rôles de la sociologie filmique par rapport aux mouvements sociaux ? Quels sont les impacts des mouvements migratoires sur la conservation de la mémoire ? Quelle mémoire ? Une mémoire du réel ou une mémoire nourrie d’illusions inaccessibles ?

Enfin, la politique, carrefour des illusions et des réalités, est représentative d’un espace symbolique de construction et de déconstruction de la mémoire collective et de l’identité. En effet, les productions documentaires, réalisées au Maroc par les Français en période du Protectorat, soulèvent plusieurs questions en rapport avec la politique, la mémoire et l’histoire. Ces réalisations documentaires, destinées à un public français à l’affût d’exotisme, ont servi quelle mémoire et ont contribué à la construction de quels imaginaires collectifs ? Par ailleurs, le storytelling ou le racontage d’histoires et le rituel politique sont autant de formes que peut prendre la mémoire dans le domaine politique. Ces pratiques, très courantes et qui renvoient à la fiction et/ou à un ensemble d’univers symboliques, sont constitutives du langage politique. Comment l’acteur politique expose-il la mémoire dans son récit ? Par quels procédés le rituel politique prend-t-il forme et puissance et devient par voie de conséquence un pouvoir politique ? Quelle est la part de l’illusion dans le langage politique ?

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