Muḥammad b. Yūsuf al-Sanūsī, entre islamologie et sciences sociales
janvier 31, 2023 - février 1, 2023
Organisé par Ilyass Amharar Au Centre Jacques Berque Et l’institut NIMAR, Rabat, Maroc
ARGUMENTAIRE
Né en 838-9/1435-6 et mort en 895/1490 à Tlemcen, Muḥammad b. Yūsuf al-Sanūsī est sans doute le théologien ašʿarite le plus célèbre du Maghreb. Les premiers travaux occidentaux sur cette figure (Wolf 1848) ont souvent été extrêmement expéditifs, et ne mettaient généralement l’accent que sur le rôle pédagogique que le théologien de Tlemcen a joué dans l’enseignement de l’ašʿarisme au Maghreb à travers ses ʿAqā’id (sg.ʿaqīda : profession de foi).
En moins de trois siècles, l’enseignement des textes théologiques d’al-Sanūsī a connu une importante diffusion dans le monde musulman ; la traduction de ses traités en de nombreuses langues vernaculaires, tels le tašalḥīt (Van Der Boogert 1997), le fulfulde (Van Dalen 2016), le bambara (Tamari 2019) mais aussi le malayo (Bruckmayr 2016) témoigne d’une grande popularité de ses textes de l’Asie du Sud-Est à l’Afrique de l’Ouest. La péninsule ibérique (Cassasas 2016) ou encore le Sud de l’Afrique (Davids 1985) n’est pas non plus en reste.
Dans la chaîne de transmission (sanad) de la doctrine ašʿarite au Maghreb, il représente un maillon important. Mais s’il est vrai qu’al-Sanūsī a contribué par ses petits traités à rendre la doctrine ašʿarite accessible à un grand nombre, il ne doit pas pour autant être réduit à un simple «vulgarisateur» ; ainsi, sa ʿAqīda Kubrā et son commentaire rédigé par lui-même, méritent d’être considérés comme une des oeuvres majeures de la tradition ašʿarite (El- Rouayheb 2015). Pour autant, le rôle de réformiste ou revivificateur (muǧaddid) que lui reconnaissent les sources primaires peut être interrogé. Les récents travaux menés sur certains de ses prédécesseurs aujourd’hui inconnus (Amharar 2020) ou sur des commentaires de la Muršida ont montré que le Maghreb semble avoir connu une activité théologique ininterrompue, ce qui entre donc en contradiction avec l’idée reçue selon laquelle l’enseignement de l’ašʿarisme juste avant al-Sanūsī était très faible, voire au point mort, justifiant ainsi son rôle de réinitiateur de l’école.
Lauréat de l’appel à projets du Bureau des Cultes (Ministère Français de l’Intérieur), abrité par l’IREMAM, le projet « Pour une histoire de l’ašʿarisme au Maghreb », s’articule autour de deux axes parmi lesquels la réalisation d’un colloque réunissant les études les plus récentes sur al-Sanūsī. Dans le sillage des travaux de Sabrina Mervin, il s’agira de mener ce projet dans une perspective de dialogue entre l’islamologie et les sciences sociales, afin d’aborder la vie et l’oeuvre d’al-Sanūsī à travers des approches croisées. Ainsi, si la doctrine et l’oeuvre du théologien seront évidemment abordées, les aspects anthropologiques de la transmission et la traduction de ses traités en contexte africain ou asiatique seront également mis en avant.
Enfin, l’émergence récente d’un enseignement des ʿAqāʾid dans les mosquées et instituts en ligne en contexte européen et anglo-saxon doit susciter l’attention des sociologues, à l’heure du retour d’un traditionalisme « maḏhabique » (Pierret 2011).
Ce colloque, dont les actes feront l’objet d’une publication, appréhendera donc al-Sanūsī et sa pensée à travers le prisme de l’islamologie et des sciences sociales selon trois axes.
Affiche | Argumentaire et programme